Le Château de Paradis

Situation

Cadastre Napoléonien (1812)
Cadastre Napoléonien (1812)
Cadastre Actuel
Cadastre Actuel
Vue Aérienne
Vue Aérienne


Historique

Le château de Paradis relevait de la seigneurie des Cartes à la Croix-en-Touraine et appartenait en 1550 à Guillaume le Heurtaux. Il fut ensuite propriété de la famille de Odeau, dont les armes figurent au fronton du portail.

 

Construit vraisemblablement au début du XVIème siècle, il comprenait deux ailes perpendiculaires hautes d’un étage carré ; l’une d’elles a conservé ses fenêtres à pilastres et chapiteaux Renaissance. En 1698, Jean Chasteigner, chanoine de saint-Florentin qui deviendra maire d'Amboise, acquiert le château. Sa veuve le revend en 1740 à Guillaume de la Mardelle, écuyer. Sa fille Anne de la Mardelle, mariée à Alexis Duveau, accepte d'échanger avec le duc de Choiseul la seigneurie de Paradis contre la châtellenie d'Écueillé.

 

Le 21 septembre 1767, le Paradis est acquis par le duc de Choiseul, qui le fait transformer en surélevant et en agrandissant l'aile sud-est, prolongée par deux petits pavillons qui disparurent à leur tour lors d’un nouvel agrandissement non daté. Le château constituait une annexe du château de Chanteloup ; pour les relier directement, Choiseul avait fait ouvrir une allée à travers la forêt d’Amboise. Il cède le château en 1779 à Ambroise Ribot, régisseur de Chanteloup, qui venait de revendre son château de Leugny à Azay-sur-Cher.

 

Plusieurs illustrations témoignent des états successifs de la propriété. Un plan et deux élévations du XVIIIème siècle rendent compte de l’état antérieur aux travaux et correspondent vraisemblablement à l'état de la propriété au moment où le duc de Choiseul l'acquiert.

 

 

L'architecte n'est pas connu mais des similitudes avec le château proche de Leugny à Azay-sur-Cher, visibles dans le traitement de l'aile sud-ouest, suggèrent une intervention de l'architecte Louis Denis le Camus. Cette attribution reste cependant à prouver. Un tableau peint en 1769 par Jean-Pierre Houel, conservé au musée des Beaux-Arts de Tours, montre l’agencement du logis et des jardins avec une pièce d’eau, avant le second agrandissement de l’aile sud-est. Un dessin du baron Karl Reille publié en 1934 figure une élévation à deux étages carrés correspondant à l’état actuel.

 

Ce toponyme, dont l'origine religieuse est probable, est très répandu en Touraine, où l'on compte plus de 25 lieux dits ayant cette appellation (1).

Celui qui nous intéresse ici, sur le territoire de la commune de la Croix-en-Touraine, se dissimule à la lisière sud de la forêt d'Amboise. Une allée rectiligne portant son nom, vient aboutir jusqu'aux abords de Chanteloup, dont il fut à une certaine époque, partie intégrante de ce domaine.

Un petit chemin de terre se détachant de la route, aboutit à un majestueux portail en plein cintre, accosté intérieurement par deux contreforts et doublé à gauche par un guichet pour piétons semblable. L'un et l'autre sont encadrés de pilastres doriques soutenant un fronton triangulaire.

Celui de l'entrée charretière est timbré d'un blason meublé d'un chevron, de deux étoiles et d'une pointe de croissant dans une guirlande de feuillage. Ce sont les armes des « Deodeau » qui portaient : « De gueules au chevron d'argent accompagné en chef de deux étoiles d'or et en pointe d'un croissant d'argent » (2).

Le château se compose de deux parties dissemblables et d'époques différentes. Celle du nord, la plus ancienne, date du XVIème siècle comme le prouvent les baies de l'étage, aux pilastres avec chapiteaux caractéristiques de la Renaissance. Malheureusement tous les meneaux, dont l'emplacement reste visible ont disparu. Une croix de pierre, fixée postérieurement à la clef de la dernière fenêtre, et le petit clocheton d'ardoise rappellent l'existence d'une chapelle qui ne fut pas toujours à cet endroit. Elle est simplement mentionnée en marge sur le registre de visite de 1776 : « Chapelle du Paradis. Paroisse de la Croix de Bléré. Mr Ribot », mais elle ne figure plus sur celui de 1787 (3).

A l'extrémité méridionale de ce corps de logis s'élève un bâtiment très imposant de deux étages et d'un comble, avec façade au midi. Les extrémités sont en très léger retrait de manière à former deux ailes. Aussi seule, la partie centrale du rez-de-chaussée est en bossages continus. Les percements au premier étage, ont leurs allèges formées de six balustres de pierre en poire, ceux du niveau supérieur ont des garde-corps métalliques sur des appuis en saillie, supportés par une double console. Clérambault y voyait une certaine ressemblance avec le projet de façade de Chante- loup, dressé par Etienne Fournier et accompagnant un plan levé en 1776 (4). Celui-ci présente en effet, des fenêtres au premier étage de l'avant- corps avec des balustres, mais les linteaux sont en plein cintre et surmontés de médaillons, ce qui n'est pas le cas ici (5). Un tableau de Jean-Pierre Houei, ornant jadis un dessus de porte de Chanteloup et conservé au musée des Beaux-Arts de Tours, datant de 1769, montre une sensible différence avec l'état actuel. L'édifice y apparait accosté de part et d'autre d'un pavillon moins élevé. L'un d'eux à droite est effectivement figuré sur un dessin complétant le plan en élévation de Paradis, avec deux baies plein cintre et surmonté d'une croix. C'était donc vraisemblablement la chapelle primitive. Mais curieusement sur ce document le bâtiment n'a qu'un étage et un comble percé de cinq lucarnes à fronton triangulaire. Le toit était à double versant, alors qu'il est aujourd'hui à quatre pans (6). Sa corniche protège une ligne continue de denticules. Ce serait Choiseul qui en surélevant les pavillons, aurait donné à Paradis ce nouveau visage, mais dans son gros œuvre, il n'en est pas moins d'une époque antérieure.

Si la grande pièce d'eau enjambée par un pont, représentée devant le château n'existe plus, l'énorme fuie est toujours debout à l'angle sud-est. De plan circulaire d'environ dix mètres de diamètre, aux murs de près d'un mètre d'épaisseur, elle est édifiée en moellons enduits. Un bandeau plat protégé par des ardoises la ceinture aux deux tiers de sa hauteur. Hélas ! la toiture ne sera bientôt plus qu'un souvenir et ne protège déjà plus ses trois travées de boulins intacts, chacune séparée de l'autre par un cordon d'appui.

Un bel ensemble de communs au nord, groupe deux corps de bâtiments autour d'une cour intérieure. La ferme toute proche forme aujourd'hui une propriété distincte.

Elévation des dépendances et du château de Paradis
Elévation des dépendances et du château de Paradis

Paradis, fief relevant à foi et hommage lige de la seigneurie des Cartes, appartint en 1550 à Guillaume le Heurtaux (7) avant de passer à la famille de Odeau qui allait en avoir la possession pendant plus d'un siècle. C'est donc à peu près certainement l'un de ses membres qui fut le constructeur de la partie Renaissance. Le premier d'entre eux, Hélie de Odeau, fils de Jean, sieur de la Duponterie, secrétaire du roi et contrôleur général de l'argenterie de la Reine, fut le premier maire élu d'Amboise le 2 février 1558 (A). Il exerça ses fonctions jusqu'en 1562 où on le voit prêter 1.200 livres à la ville pour la construction d'une poissonnerie, et fut remplacé le 2 février par son adjoint Alain Francboucher (B). En 1582, Hélie Deodeau, fut anobli par Henri III en considération des services rendus par lui pendant 50 ans en tant que contrôleur général de la Maison du roi (8). Cependant dès le 30 janvier 1572, il avait résilié ses fonctions en faveur de son fils Hélie deuxième du nom, qui prêta serment le 18 février. Il devait être reçu à son tour comme maire d'Amboise le 9 février 1592 (C). Son père décédé le 12 octobre 1584, avec sa mère Anne Blandin, morte deux ans plus tôt, furent inhumés « devant le Crucifix, près du grand autel » en l'église Notre Dame en Grêve, près de leurs parents, où leur dalle funéraire est aujourd'hui en grande partie effacée. Sa transcription heureusement en fut jadis effectuée par monsieur Palustre (9).

De gueules au chevron d'argent accompagné en chef de deux étoiles d'or et en pointe d'un croissant d'argent
De gueules au chevron d'argent accompagné en chef de deux étoiles d'or et en pointe d'un croissant d'argent

Après Jean Deodeau, le fief de Paradis va connaitre durant tout le XVIIème siècle, plusieurs changements de titulaires. Le 29 juillet 1635, on baptisa dans l'église Notre Dame d'Amboise. Catherine, fille de Jehan Frémont, écuyer, seigneur de Paradis, capitaine d'une compagnie au régiment de Plessis-Praslin et de Marie Sauvage. La marraine fut Françoise de Boineau femme de Jean « de Odeau » (D). Mais bientôt veuve, Marie Sauvage, le 18 mai 1641, vendit Paradis à Jean Malvaut, bourgeois de Paris (10). Les biens de ce dernier ayant été saisis, un arrêt de la Cour des Aides ordonna la mise en vente du domaine qui appartint par la suite à Jean le Roy qui le donna à bail le 10 septembre 1672 (10).

Le Paradis devait entrer à la fin du siècle dans le patrimoine de Jean Chasteigner, chanoine de Saint Florentin, prieur commendataire de Saint Denis d'Amboise. On le voit en 1698, consigner 4.550 livres « pour prix de l'adjudication à lui faite le 30 mai dernier, de la terre et seigneurie de Paradis, saisie sur la succession de Jean Jouanne, procureur de la cour » mari d'Anne le Roy (10). La famille Chasteigner allait en garder la propriété jusqu'en 1740. En 1696. Jean Chasteigner avait acquis la charge de maire d'Amboise (11).

 

En 1713, lorsqu'il prend des mesures pour les réjouissances publiques à organiser à l'occasion de la signature de la paix d'Utrecht, on le dit « seigneur de Paradis, maire perpétuel ancien, alternatif et triennal, général de police de la ville d'Amboise » (E). Après un an d'interruption en 1718 causé par un essai de changement dans les administrations municipales, il la retrouva en 1719. Il devait par la suite se heurter à une certaine hostilité de la part des autorités de la ville. Maintenu maire en 1726 par un arrêt du Conseil d'Etat, le procureur et les échevins firent opposition à cette décision. Par lettres patentes du 15 janvier 1729, le roi les débouta de leur action (F). Finalement en 1730 « l'assemblée de ville décida qu'elle fera au sieur Chasteigner le remboursement de la finance de sa charge de maire, afin de recouvrer la liberté des élections municipales » (G).

 

Quand le roi supprima la charge de maire perpétuel, le sieur Gaillard l'aîné, écuyer, fourrier des logis du roi, remplaça alors monsieur Chasteigner. Celui-ci en 1734, dans une supplique adressée à l'intendant concernant la délivrance de la somme de 20.900 livres en « remboursement d'une partie de la finance de son office », est encore qualifié de « conseiller du roi, lieutenant général de police à Amboise (H), mais il dut mourir quelques années plus tard. Sa veuve Jeanne Denis, avec ses enfants, vendit alors Paradis pour 50.000 livres le 14 juin 1740 à Guillaume de la Mardelle, écuyer, conseiller du roi qui dès le premier octobre en fait effectuer « lévantillement » (10). En tant que seigneur de Paradis, contrôleur des guerres, il donne le 28 novembre 1750 une commission de garde des bois, pêches et chasses à Jacques Pancouet (12). De son union avec Anne Marran il eut au moins deux enfants. Le garçon Guillaume-Pierre de la Mardelle deviendra le 14 avril 1767, procureur général à Saint-Domingue (13).

 

Le 21 septembre de la même année, sa sœur Anne-Magdeleine, avec son mari Alexis-Auguste Duveau, écuyer, Président-trésorier au bureau des finances de Tours, procéda à un échange avec le duc de Choiseul. Celui-ci leur abandonnait la châtellenie d'Ecueillé et recevait en contre-échange la terre et seigneurie de Paradis. Mais une soulte de 30.000 livres restait à la charge du sieur Duveau qui s'engageait à la payer par termes de 10.000 livres avec intérêts à 4 % (10). C'est alors que le château aurait été remanié, transformé et relié par une allée directe à travers la forêt, à Chanteloup dont le domaine avait pour régisseur depuis le 8 mai 1748 : Ambroise Ribot (14). Nous avons vu que celui-ci devint propriétaire en 1770 du beau château de Leugny à Azay sur Cher (15) qu'il revendit le 7 septembre 1779. Quelques semaines plus tard, le 15 octobre, le duc de Choiseul voulant témoigner au sieur Ribot : « la satisfaction qu'il a de ses bons, utiles et agréables services qu'il lui a rendus depuis 18 ans dans l'administration générale de ses affaires », lui donna « à titre de récompense » le château de Paradis. Celui-ci est composé de deux grands corps de logis couverts d'ardoises, pressoir, grange, colombier, remise, écurie, grande cour, logement de métayer, verger, bosquet de charmille avec le bordage de la Giraudière (16).

Plan et  élévation des dépendances du château de Paradis
Plan et élévation des dépendances du château de Paradis

Par la suite, Ribot agrandit à plusieurs reprises son patrimoine. Le 22 août 1780, il acquiert le « lieu de Mesvres de monsieur de Belfond », le 12 juillet 1783 « le sieur Lelarge d'Hervault » lui vend les Cartes et le Mée. Son épouse, dans la succession de ses parents, monsieur et madame Blin avait recueilli la Bourellerie (17). Après sa mort, les héritiers firent procéder à la licitation des biens. Le premier mars 1788, en l'audience du duché d'Amboise, le Paradis avec les Cartes, Mée, Mesvres et la Bourellerie furent adjugés à Charles-Marie-Marthe-Jacques Reverdy, Conseiller du roi et à son épouse Béatrix Félicité Ribot (17). Mais ils n'en gardèrent pas la propriété longtemps, car le 2 mai 1792, ils revendaient l'ensemble pour 304.800 livres à Salvador Dubernard, négociant demeurant à Séville (Espagne) et Marguerite Delachaume. Une somme de 115.600 livres devait être versée par l'acquéreur à divers créanciers, dont madame veuve Ribot mère, à laquelle il était encore dû 60 400 livres sur le prix de l'adjudication de 1788 (17). Cet acte nous apprend qu'il était dû chaque année à la cure de la Croix de Bléré : 22 sous, 2 poulets et un quart de vin, au ci-devant chapitre de Saint Gatien 10 livres et à la cure de Civray 50 livres par suite d'une fondation assignée sur la maison de Mesvres. L'acquéreur s'engage à continuer à verser ces redevances. Le citoyen Dubernard ajouta aux diverses dépendances de Paradis le lieu de la Maison Blanche, achetée le 5 messidor an II (23 juin 1794) du citoyen Bassonneau, fabricant à Amboise et d'Anne Claire Potet. Puis après avoir fait couper les ormeaux d'une pièce de quatre arpents dépendant des Cartes il retourna à Séville et le 1 thermidor an V (4 août 1797), il donnait procuration à Louis Baudry, demeurant à la Goguerie à Saint Cyr pour revendre le domaine.

L'entrée du château
L'entrée du château

Celui-ci fut acquis le 20 fructidor an V (6 septembre 1797) par Jean-René Chauveau, ancien maître de forges, demeurant à Mayenne et Florence-Marie-Suzanne Thomas Dutaillis (18). Devenu veuf, monsieur Chauveau qui avait eu deux filles : Louise-Sophie, épouse Lemaignan et Florence-Perrine alors décédée laissant à son mari Clément Coustis un garçon mineur demanda au tribunal le règlement de la succession. Par jugement du 22 frimaire an XIII (14 décembre 1804) l'expertise préalable des biens fut ordonnée et effectuée le 11 germinal (1er avril 1805). Ceux-ci se trouvèrent composés de : Paradis évalué 30.000,00 francs, sa métairie 10.980,00 francs, la Giraudière 1.919,00 francs, la Pommeraie 910,00 francs, la Maison Blanche 1.400,00 francs, la Bourellerie 16.049,00 francs, Mée 9.282,00 francs, les Cartes 28.075,00 francs, le bordage de la Pinguenettière 7.000,00 francs, Maltaverne 1.440,00 francs, Roulle-Crotte 4.755,00 francs, Mesvres 49.074,00 francs, la maison de la Chevrollière 2.550, francs et celle de Monvoisin 2.850,00 francs. En ajoutant 2.673,00 francs de rentes et créances diverses on obtenait un total respectable de 172.957,00 francs. Les experts ayant déclaré les biens non divisibles sans perte, le tribunal ordonna la vente par jugement du 26 floréal an XIII (16 mai 1805) et le 14 thermidor suivant (2 août 1805) Jean Chauveau récupérait Paradis et ses dépendances pour 180.000,00 francs (19).

 

Il en transmit la propriété quelques années plus tard à son petit fils encore mineur, Clément Hippolyte Coustis de la Rivière, par acte du 26 juin 1809 (19). En tant que tuteur, son père Clément Coustis de la Rivière, chef d'escadron, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, demeurant à Paradis, avec monsieur Dutaillis le subrogé tuteur, mit en vente le domaine suivant un cahier des charges dressé par Mc Bidault le 28 mai 1819 (20).

 

Un procès-verbal d'estimation (20) établi par les experts du 6 avril au 4 mai précédent donne une description extrêmement précise et détaillée du « château neuf, terminé au levant par une chapelle sous laquelle est une cave voûtée ayant son entrée sous le perron à l'est » et de l'ancien bâtiment en retour d'équerre vers le nord. On y trouve un petit salon et un office « ayant sa porte d'entrée sur le salon à manger du château neuf » (20). L'estimation est cette fois de 34.360 francs et se monte au total avec les mêmes éléments que ci-dessus sauf la maison de Maltaverne à 250.026,00 francs.

Mais on ne trouva pas à vendre « ni en totalité ni en division », aussi le 17  septembre 1821, il fut procédé par Maître Bidault à une adjudication. A l'extinction de la quatrième bougie, madame Robin de Scévole, au nom de son mari Louis Dauphin, ancien chevau-léger de la garde du roi, demeurant à Loches (21) fut proclamée adjudicataire pour 166.900,00 francs. Trois ans plus tard le 7 juillet 1824, ils en cédèrent la propriété avec un bénéfice de 10.000,00 francs à monsieur Jean-Marie Gudin, propriétaire à Paris, pour un tiers et à son épouse Marguerite Ignard pour les deux autres tiers (22).

 

Devenue veuve, celle-ci revendit le 2 mai 1836, la terre de Paradis qu'elle avait agrandie le 1er juillet 1826 de la ferme de la Rouillardière (23). L'acte passé à Paris est au profit de monsieur Denis Hilaire Frédéric Tremeau, marchand de bois à Druye (Yonne) et de monsieur Edme Paul Ernest Gentil de la Breuille, demeurant à Test Milon dans le même département, pour la somme de 300.000,00 francs (23).

 

Ceux-ci sans doute désiraient seulement réaliser une opération commerciale car ils s'empressèrent au cours de l'année 1836 d'en vendre différentes portions au détail. L'ensemble comprenait encore plus de 340 hectares quand le 30 mars 1837, il fut cédé pour 200.000,00 francs. Autour « du vaste château bâti à la moderne » il y a encore la Rouillardière, les Cartes, le Mée, la Giraudière le reste des dépendances de Roulle-Crotte et la Maison Blanche (24).

 

L'acquéreur Charles Louis Joubert de la Bastide, était d'une famille d'ancienne chevalerie, originaire du Limousin, qui avait depuis le règne de Louis XIV, le titre de marquis de Chateaumorand. Né le 6 mai 1798, gendarme de la garde du roi, puis capitaine au 3ème régiment de hussards, il avait démissionné en 1830. Il avait épousé quelques années auparavant le 10 février 1826, Marie-Madeleine-Adélie Duval de Grenonville et leur contrat avait été signé par le roi Charles X et les princes de la famille royale (25).

 

Le ménage eut six enfants, mais trois garçons décédèrent assez jeunes. Dans les années qui suivirent leur installation à Paradis, une requête en saisie immobilière fut déposée à l'encontre de monsieur de Chateaumorand par ses créanciers. Son épouse, qui le 7 décembre 1849 avait obtenu la séparation de biens, se fit adjuger le 6 juillet 1850 à l'audience des criées du tribunal de Tours, la terre de Paradis pour 246.000,00 francs. Elle devait d'ailleurs revendre ensuite la ferme des Cartes et la majeure partie du domaine de Roulle Crotte. Avant sa mort, survenue à Paradis le 7 juillet 1862, elle avait fait une donation partage entre ses trois enfants survivants, le 16 janvier précédent. Le château de Paradis fut attribué en indivision aux deux filles : Louise-Camille épouse de monsieur Turquand d'Auzay et Marie-Félicité-Blanche alors célibataire mais qui se mariera le 14 novembre 1871 avec le marquis Jehannot de Bartillat (25).

 

Quelques jours avant, le 7 novembre 1871, la première avait racheté la part de la seconde pour 140.000,00 francs (26). Devenue veuve sans avoir eu d'enfants, madame Turquand d'Auzay légua la terre de Paradis par testament du 17 avril 1912 à l'un de ses neveux Charles-Armand Jehannot comte de Bartillat, et décéda à Paradis le 2 juin suivant. Quelques mois plus tard, monsieur de Bartillat et Louise Joly de Bonneville vendirent le 19 novembre 1912 à Pierre-Philibert-Ernest Charpentier, manufacturier et Marie-Antoinette Pathault son épouse, demeurant rue Joyeuse à Amboise : le château de Paradis avec ses cours, jardins, écuries, remises, futaie, pièces d'eau, la ferme, la métairie de Mée et les bois le tout couvrant une superficie de plus de 240 hectares.

Fenêtre Renaissance
Fenêtre Renaissance
LaFuie
LaFuie
Fenêtre Renaissance
Fenêtre Renaissance

Le 20 décembre 1934, monsieur et madame Charpentier revendirent le domaine à monsieur Marie François de Miribel, comte, général de brigade et à madame Marie Madeleine Charlotte de Préaulx dont les enfants ont encore la possession du château aujourd'hui. Un arrêté du 21 octobre 1947 a inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques les façades et toitures de l'édifice, la salle du rez-de-chaussée garnie de boiseries avec son plafond peint et sa cheminée de pierre, la fuie et la porte Nord.

par M. André MONTOUX


Bibliographie

  1. Bulletin de lu société archéologique de Touraine, tome 25, page 369,
  2. Carré de Bosseront. Armorial de Touraine. page 321.
  3. Archives départementales G 14. page I verso.
  4. Bulletin de la société archéologique de Touraine, tome 17. page CXVI.
  5.  Archives départementales E 335.
  6. Archives départementales E 339.
  7. Carré de Busserolle. Dictionnaire d'Indre-et-Loire, tome 5. page 12.
  8. Chambois et Farcy. Recherche de la noblesse en 1666. page 261.
  9. Bossebœuf. Amboise. le château la ville et le canton, page 112.
  10. Archives départementales E 33.
  11. Mémoires de la société archéologique de Touraine, tome 6, page 166.
  12. Archives départementales B 161.
  13. Bulletin de la société archéologique de Touraine, tome 38. page 38-39.
  14.  Jehanne d'Orliac. Chanteloup, page 73.
  15. Voir l'article sur Leugny, dans le tome 3 des « Vieux logis de Touraine page 40.
  16. Archives départementales C 876.
  17. Archives départementales. Acte Boisquet du 2 mai 1792.
  18. Archives départementales. D'après la transcription d'un acte Héry à Château la Vallière du 20 fructidor an V.
  19. Archives départementales. Actes Bidault à Tours des 13 et 14 Thermidor an XIII et du 26 juin 1809.
  20. Archives départementales. Actes Bidault à Tours du 10 mai 1819, 28 mai 1819 et 17 septembre 1821.
  21. Monsieur Louis-Jérôme Dauphin était propriétaire de la Chancellerie à Loches et de Ris à Bossay sur Claise.
  22. Archives départementales. Registre de transcription des hypothèques de Tours Volume 157, No 74.
  23. Archives départementales. Registre de transcription des hypothèques de Tours volume 337, No 48.
  24. Archives départementales. Registre de transcription des hypothèques de Tours. volume 362. No 9.
  25. Beauchet-Filleau. Dictionnaire des familles du Poitou, tome 5, page 305. On notera que la date et le lieu du décès de madame de Chateaumorand : 17 décembre 1879 à Paris est erronée. Nous remercions vivement monsieur et madame Berbier qui ont bien voulu nous rechercher ces actes sur le registre d'état civil de La Croix.
  26.  Archives départementales. Registre de transcription des hypothèques de Tours. Volume 4 235, N° 28. Nous remercions Mc Pierre Bourgeois, notaire à La Croix qui a bien voulu nous indiquer k numéro de cette transcription, ce qui a permis ces recherches.

(A, B, C, D, E. F, G, H) Tous ces renseignements sont extraits de : « L'Inventaire des archives communales d'Amboise » par l'abbé Chevalier. Tours (1874).


Photographies intérieures


Le château est inscrit au titre des Monuments Historique par arrêté du 21 octobre 1947.


Cartes Postales

Gravure de Karl Reille extraite de l'ouvrage "Deux cents châteaux et gentilhommières d'Indre-et-Loire"
Gravure de Karl Reille extraite de l'ouvrage "Deux cents châteaux et gentilhommières d'Indre-et-Loire"