LES INONDATIONS


Crue du 2 juin 1856 à Bléré

Prévenue de la veille, la population avait pris les mesures de prudence nécessaires. Un grand nombre d'habitants veillèrent toute la nuit ; et dès le matin du 2 juin plusieurs maisons furent abandonnées dans la crainte de leur destruction. De pauvres malades durent être transportés en lieu sûr, et chacun s'empressa, dans cette circonstance, d'offrir un asile aux inondés. Cependant les eaux dépassant de 34 centimètres la hauteur qu'elles avaient atteinte le 13 mai (1), envahissaient à peu près le tiers de la ville et forçaient les habitants à gagner les premiers étages. Un bateau fit toute la journée le service dans la rue du Pont ; vers dix heures du matin un bruit sourd se fit entendre ; aussitôt une panique s'empara de la foule, persuadée que tout ce côté de la ville allait être emporté; ces craintes s'évanouirent lorsque l'on vit qu'une seule maison, peu solide, se trouvait menacée. Le courant, en effet, après avoir renversé le mur de clôture de cette maison, en avait abattu les cloisons et fait crouler la cheminée.

Dans la plaine, un grand nombre de murs de clôture, entre autres ceux du presbytère, refaits depuis le 13 mai, furent renversés ; la solidité des maisons situées au bout des ponts se trouva compromise, et peut-être allait-on avoir à déplorer quelque catastrophe sur ce point, lorsque la levée de La Croix, plus maltraitée qu'au 13 mai, fut coupée par le courant.

 

Au-dessus du presbytère, un ravin de plusieurs mètres de profondeur fut creusé. On s'étonne que l'asile des morts n'ait pas été affouillé par les eaux. Il est de notre devoir de parler des éclusiers, qui, cernés par le torrent, se décidèrent à braver sa fureur, et ne voulurent pas abandonner leur maison.

Affaissement du pont de Bléré
Affaissement du pont de Bléré

A onze heures la rivière cessa de croitre et resta stationnaire à 5 mètres 85 centimètres. Le pont, bel ouvrage en pierre attribué à Henri Il d'Angleterre , comte de Touraine ; semblait trembler lors sous la pression des flots. MM. les conducteurs des ponts et chaussées, craignant pour sa solidité, avaient défendu d'y passer ; leurs prévisions étaient fondées, car, vers midi, un sourd craquement se lit entendre, une des piles du milieu venait de s'incliner légèrement et les deux voûtes qu'elle supportait s'étaient affaissées, sans toutefois se détacher.

Le samedi 7 juin, Monsieur le maire de Bléré eut l'honneur d'être reçu par l'empereur, qui, après s'être enquis avec bonté des dégâts occasionnés par le Cher, voulut bien accorder à la commune de Bléré 1.200 francs et à la commune de La Croix 1.000 francs comme premiers secours aux victimes de l'inondation. Les pertes de cette commune furent évaluées à 18.449 francs.


Athée et Azay-sur-Cher

La commune d'Athée, par sa position, devait peu souffrir des crues du 13 mai et du 2 juin, ses pertes réunies n'ont pas dépassé le chiffre de 9,957 francs et ne comprennent que les prairies qui bordent le Cher.

 

Il n'en fut pas de même du bourg d'Azay-sur-Cher, dont les pertes atteignirent le chiffre de 55,950 francs.

 

Dans cette commune tout le port fut submergé et les habitants de la partie basse furent obligés de quitter leurs demeures dans les crues du 13 mai et du 2 juin (2).

 

Tous les propriétaires de cette partie d'Azay, surpris par la première crue, virent leurs effets mobiliers inondés et emportés et presque toutes leurs récoltes détruites. A l'exception de la démolition d'une grange et d'un mur, les bâtiments souffrirent généralement peu.

 

Tous les mariniers d'Azay opérèrent le sauvetage des habitants de cette vaste plaine du Cher, en allant, au milieu des épaves de toute sorte, les chercher sur leurs toits où ils s'étaient réfugiés et en les ramenant vers le bourg où ils reçurent-de tous les habitants une cordiale hospitalité. Pendant plusieurs jours ces malheureux, leurs familles et leurs bestiaux furent nourris et logés par les propriétaires des coteaux, pendant les crues du 13 mai et du 2 juin.

 

Ces courageux citoyens, à l'appel du préfet, s'empressèrent de venir à Tours avec leurs barques, pour faire le sauvetage de St-Étienne, de la ville et de toutes nos communes inondées dans la journée du 4 juin.


Crues des 13 mai, 2 et 4 juin à Véretz-Larcay.

Dans ces deux communes riveraines, le Cher est séparé de la Loire par le coteau de Rochepinard. Dans la crue du 13 mai cette plaine immense fut couverte d'eau, toutes les terres ensemencées en automne et en mars furent inondées, ainsi que les prairies ; mais à la crue du 4 juin, les eaux de la Loire se mêlant à celles du Cher et dépassant de recul la commune de Véretz , détruisirent tous les ensemencements faits du 16 au 30 mai et les espérances des cultivateurs ; la démoralisation fut si complète, que plusieurs fermiers, malgré la remise entière de leurs fermages pour l'animée 1857, demandèrent, à Amy et à Véretz, la résiliation de leurs baux (3).

 

A Véretz, les eaux, le 13 mai, présentaient à l'étiage une différence de 40 centimètres au-dessus de la crue du 4 juin, et cette différence était de 45 centimètres au coin de la place.

 

La crue du 4 juin présentait 4 mètres au-dessus de l'étiage ; dans les jardins et les remises du vieux château, les eaux dépassaient 1 mètre ; le bourg, même dans ses parties les plus basses, a souffert heureusement peu. Les habitants de Véretz qui avaient des barques allèrent chercher les fermiers des varennes et du Vieux-Moulin et purent les ramener avec leurs meubles et leurs bestiaux au bourg où ils furent l'objet du plus sympathique empressement. Les pertes de cette commune, en terres ensemencées et en prairies détruites, furent estimées à la somme de 120.695 francs.

 

La commune de Larçay fut plus heureuse, car le bas bourg seulement et la levée en face du château de Cangé ont été sous les eaux ; comme à Véretz, les terres ensemencées et les prairies furent dévastées dans la crue du 13 mai et particulièrement dans celle du 4 juin. Les eaux marquaient une différence de 75 centimètres au lieu de 45 centimètres qui existait à Véretz. Il est facile d'expliquer ce fait par le déversement de la Loire dans le Cher et surtout par le refoulement causé par la voie de fer de Bordeaux, qui se faisait sentir bien au-delà de Larçay.

Le 2 juin, les eaux marquèrent à l'étiage de l'écluse 4 mètres 60 centimètres. Les pertes de cette commune sont estimées à 52.815 francs.

 

Dans les crues des 13 mai et 4 juin, les varennes, les prairies, les champs qui bordent le Cher furent tous inondés dans les communes d'Athée, d'Azay-sur-Cher, de Véretz et de Larçay ; et on constata une différence de 45 centimètres à Véretz et de 75 centimètres à Larçay entre la crue du 13 mai et celle du 4 juin ; mais le joli bourg de St-Avertin fut bien plus maltraité, car les plaines, les jardins et une grande partie des maisons furent submergés. Beaucoup d'habitants furent obliges d'abandonner leurs maisons et de se réfugier sur les hauteurs, sans avoir le temps de sauver leur mobilier.


  1. Elles ont marqué 5 mètres 95 centimètres à l'étiage.
  2. Beaucoup eurent jusqu'à 2 mètres 30 centimètres d'eau et supportèrent des pertes irréparables.
  3. De 1851 à 1856, en dix-huit mois de temps, quatorze crues presque mensuelles ont détruit les ensemencements et emporté les terres végétal.