LES MOULINS

Histoire

TECHNIQUE

En Indre-et-Loire, on trouve plutôt les roues à augets, celles qui reçoivent l’eau par le dessus, sur les cours supérieurs des rivières où les pentes sont plus fortes et les débits plus faibles. Ces roues ont un rendement de 50 % à 70 %. Les roues à aubes quant à elles équipent préférentiellement les cours inférieurs des rivières où les pentes sont faibles et les débits moyens à forts. Leur rendement est inférieur à celui des roues à augets, de l’ordre de 30 % à 50 %.

LES PROBLÈMES CAUSÉS PAR LES MOULINS

L'arasage des moulins à eau fixes, se généralisa rapidement. La rivière Cher fut barrée en maints endroits. Alors, pour ne pas interrompre la navigation, les hommes pratiquèrent des ouvertures ou pertuis fermés avec des poutrelles, mises à plat les unes sur les autres. Pour permettre le passage des gabarres, on enlevait une à une les poutrelles puis on les replaçait. Cette suite d'obstacles constituait un des grands dangers de la navigation de l'époque, à la descente, mais aussi à la remonte, quand bien même les hommes et les chevaux tiraient l'embarcation, leur action s'avérait parfois impuissante à remonter le bateau.

 

D'autre-part, cette multiplication des barrages et des péages resta pendant des siècles un sujet brûlant pour la navigation. Plusieurs de nos rois, dont François 1er, tentèrent de résoudre le problème de la navigation et prendre la défense des bateliers contre les seigneurs et propriétaires des moulins en établissant de nouvelles réglementations. Malheureusement, aucune tentative ne réussit, les choses restaient au point mort.

UNE SOURCE DE REVENUS

La première source des revenus des maîtres de moulins provenait des barrages. La multiplication des barrages n'était pas à cette époque, faite pour améliorer la navigation intérieure. Loin de là !

En effet, les seigneurs et les propriétaires de moulins s'arrogeaient les cours d'eau en y installent les pertuis nécessaires aux navigateurs. Ils se rendaient ainsi maîtres de la rivière et des passages crées, ne les ouvrant qu'après avoir fortement rançonné les bateliers désirant les franchir. Ce faisant, ils soignaient au mieux leurs intérêts.

 

La seconde source, toute aussi lucrative, tirait parti de cet avantage de l'usage fait par les paysans et les habitants d'une commune, du moulin banal. Il faut savoir qu'avant la période révolutionnaire, les seigneurs disposaient d'un droit appelé "droit de ban" en vertu duquel les habitants devaient obligatoirement utiliser le moulin, le four et le pressoir appartenant à leur seigneur "banal"; ce dernier était assuré d'un revenu substantiel, car les utilisateurs devaient s'acquitter d'une taxe à chaque usage : les banalités.


NITRAY (le moulin à bief)

Le moulin construit vers 1336, appartenant à la seigneurie de Nitray avant la révolution, possédait à l'origine cette machinerie particulière aux moulins-pendants. Celle-ci fut détruite en 1922 pour installer une turbine.

 

Le site exceptionnel de Nitray comprend : 

  • Un barrage mobile à aiguille construit en 1841, et qui s'escamote aux fortes eaux (couché en automne et remonté au printemps).
  • Un déversoir, à 200 m en amont de l'écluse, en tête d'un bras de décharge.
  • Un ancien moulin situé sur une île au droit du barrage.
  • Une écluse à sas de 35 x 5,20 m, fermée par des portes busquées en bois à balanciers.
  • Une maison éclusière en pierre de taille abritant à l'origine deux logements (l'éclusier et le barragiste) et d'un four à pain commun, est identique aux 15 autres établies le long du Cher canalisé.
  • Enfin, cas unique sur le Cher, l'écluse est placée à gauche du barrage du fait de la position occupée par le moulin.

La technique ici est plus complexe à mettre en œuvre, mais est très courante d’utilisation. Elle consiste à barrer le lit de rivière et à construire en parallèle mais un peu plus haut un canal d’amenée de pente plus faible que le cours original afin d’avoir une bonne hauteur d’eau. L’eau regagne le cours de la rivière par un canal de fuite. Le moulin se trouve ainsi au milieu d’une île artificielle. La construction du canal d’amenée nécessite l’aménagement d’une digue chargée de maintenir l’eau en hauteur.

Bref historique du Moulin de Nitray sur le Cher commune de Dierre

L’existence du moulin de Nitray est connue antérieurement au XVIème siècle, même si les actes notariés mentionnent ‘’appartenir à la terre de la seigneurie de Nitray ‘’ (château voisin) depuis 1518. En 1673, une vente par adjudication le cède au Sieur René Morier, Président de Justice de Tours. S’ensuivent ventes et successions à différents propriétaires jusqu’en 1779. Moulin Banal jusqu’à la Révolution, un contrat indiquait à partir de cette époque que la navigation sur le Cher étant assez importante, le propriétaire était tenu d’entretenir une voie marinière pour laquelle il dépendait : de l’Inspecteur des turcies, levées et balisages de Tours.

 

En 1822 des actes décrivent les mécanismes du moulin. « Le moulin est à blé avec 4 paires de meules et machinerie à Tan, le tout entraîné par une roue en dessous à mécanisme d’élévation en fonction des fluctuations du niveau de la rivière, de type moulin-pendu, antérieur à la révolution ».

croquis de moulin-pendu.
croquis de moulin-pendu.

Pierre Nicolas Saint Bris, propriétaire du moulin du Temple à Amboise sur l’Amasse, loue puis achète la concession du moulin de Nitray pour agrandir sa production d’armes et autres objets en fer étiré, la force hydraulique du Cher, meilleure que celle de l’Amasse, devant accroître son industrie… En 1824 la roue qui activait trois marteaux pilons et quelques soufflets de forges était commandée par un barrage fixe et une vanne mobile en amont. Le Cher ne fut canalisé qu’entre 1830 et 1840 ; ce n’est qu’à cette époque que le barrage fixe fut remplacé par un barrage mobile à fermettes et aiguilles.

 

La cessation de l’activité d’usine à étirer le fer se situe vers 1857. Après une période de démontage de ces installations, l’Etat des Ponts et Chaussées de 1879, indique que le mécanisme à blé avec ses 4 paires de meules est de nouveau en fonctionnement.

 

En 1922 un nouveau propriétaire le loue à un ingénieur qui transforme le moulin en usine produisant de l’électricité. Il démonte l’ancien mécanisme de moulin pendu installé là depuis le 17ème siècle, le jugeant inutile, et installe une turbine Francis pour développer sa production d’électricité, qui sera effective jusqu’en 1933. Après des procès suite à ces transformations faites sans des accords bien définis avec les propriétaires, le moulin entre dans une période d’inactivité.

 

En 1942, le moulin est en partie détruit par un incendie dont les causes sont demeurées mystérieuses. Il ne reste plus que les quatre murs, conclu le rapport du gardien de la propriété ! C’était la période d’occupation ; le moulin était situé non loin de la ligne de démarcation, coté zone occupée. En face, l’éclusier était en zone libre, le Cher était à cet endroit un lieu de passage clandestin.

 

Ainsi fut détruit le superbe et rare aujourd’hui mécanisme d’origine d’élévation de la roue, dont ne reste plus que Ballan sur le Cher, par un incendie certainement criminel, destruction liée à la folie destructive des hommes de cette époque troublée de la dernière guerre.

 

Heureusement, à partir de 1950, le site fut réhabilité par le propriétaire du moment qui a su redonner allure et vie au bâtiment, reconstruit à l’identique, tout en aménageant l’intérieur en résidence agréable. Une roue à aubes classique fut remise en place, et qui fonctionne pour le plaisir des hôtes du  moulin, et des touristes de passage, lorsque le superbe barrage à aiguilles (inscrit aux Monuments Historique) est relevé. Le site, remarquable, vu de la rive gauche du Cher est très photographié….par les touristes étrangers !

Maison éclusière de Nitray (intérieur)
Maison éclusière de Nitray (intérieur)

Aujourd'hui une roue à aubes remise en place redonne vie à ce moulin. le bâtiment, aujourd'hui restauré, est certainement un des plus photographiés par les touristes. Il a la particularité d'être érigé sur une petite île et le déversoir n'est pas accolé au barrage à aiguille comme sur les autres sites.

CLASSEMENT MH

Par décision du Préfet de Région en juillet 2011, le site fluvial de Nitray a fait l'objet d'une mesure de protection, au vu de sa valeur historique. Le barrage à aiguille, l'écluse, la maison éclusière et ses dépendances, sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Si le site de Nitray a été retenu grâce à sa configuration particulière, cette décision confirme la valeur patrimoniale des ouvrages fluviaux de la vallée du Cher dans leur ensemble.


CHISSEAUX (Le Moulin Fort)

Le Moulin-Fort, situé sur une île du Cher, a été construit au XVIème siècle par Adam de Hodon. Diane de Poitiers l'acheta le 23 février 1556. Il fut incorporé à la châtellenie de Chenonceau en octobre 1557. Auparavant, c'était un fief relevant du château de Tours.


BLÉRÉ

On trouve également des traces de moulins à Bléré dont les restes de fondations sont encore visibles près du pont actuel, un autre à Veretz sur une île qui est aujourd'hui près du pont.


Fondations de l'ancien moulin de Bléré (jumelées avec celles de l'ancien pont)

Le pont de Bléré par le peintre Octave Linet
Le pont de Bléré par le peintre Octave Linet