PROCÈS-VERBAL DU BOEUF VIÉLLÉ D'ARGY

DU  14 FÉVRIER  1754

Ce jour quatorze février mil sept cent cinquante-quatre, jour de jeudi, au greffe de cette châtellenie d'Argy, dont la juridiction s'exerce en la ville de Buzançais huit heures du matin. Par-devant nous, Louis François Gaulin, sieur du Poyoux procureur au bailliage de la châtellenie d'Argy, expédiant pour l'absence de M. le Bailly etc.

 

Est comparu en sa personne le procureur fiscal qui nous a dit et remontré que annuellement le jour de jeudi plus prochain de devant celui de mardi gras, les bouchers jurez du bourg et paroisse d'Argy, sont tenus d'exposer aux poteaux sous les halles publiques dudit bourg d'Argy, chacun un bœuf, ou du moins un bœuf à deux personnes qui tuent à un même couteau, pour iceux bœufs être visités par experts pour en connaitre le plus gras, et après la dites visite, celui desdits bœufs qui est jugé le plus gras doit être promené par les rues dudit bourg. Après toutes fois avoir été conduit au château de cette châtellenie, étant couvert d'un tapis orné de rubans et d'un bouquet suivi par les bouchers et sergent général au son de vieilles, flutes, hauts bois, cornemuses, et autres instruments musicaux.

 

Et ensuite de la dites promenade celui qui a présenté ledit bœuf jugé le plus gras, nous doit le dîné, au procureur fiscal, à notre greffier, au sergent général de cette châtellenie, et aux autres bouchers, ensuite aux experts, et doit ledit bœuf être habillé, en la présence des autres bouchers qui ne peuvent à tel jour que le dimanche suivant exposer en vente leurs viandes, jusqu'à ce que celui qui a ledit bœuf viellé, ait donné le premier coup de couteau sur le banc; et duquel bœuf celui des bouchers qui le l'aura doit nous apporter un aloyau du cimier, un autre au procureur fiscal, un autre à notre greffier, et un autre au sergent général moindres, lesdits al loyaux conduits au son desdits instruments à la manière accoutumée.

 

Lesquelles choses, ledit procureur fiscal nous a remontré avoir été remises par nos prédécesseurs à pareil jour que ce jour, sur le réquisitoire des bouchers dudit bourg d'Argy, suivant nos ordonnances et règlements de l'année 1686. Et ce pour la commodité des bouchers à tel jour que le jeudi plus prochain de devant celui mardi gras, sans tirer à conséquence pour l'avenir c'est pourquoi ledit procureur fiscal, pour la conservation des droits de monseigneur les héritiers collatéraux en la succession de feu Monseigneur le duc de Rochechouart, seigneur de cette châtellenie ; a requis notre transport sur lesdits halles publiques dudit bourg d'Argy pour y faire procès-verbal de la comparution desdits bouchers et de la représentation qu’ils y doivent faire de leurs bœufs, comme il est ci-dessus redit ; et à défaut de ce faire a requis défaut être contre eux prononcé, et pour le profit d'y celui, condamnés en chacun vingt livres d'amende et au payement des choses ci-dessus par eux deux. A la quelle remontrance et réquisitoire ayant égard, nous juge expédient susdit nous sommes à l'instant transporté de ladite ville de Busançois, sous les halles publiques dudit bourg et paroisse d'Argy, avec ledit procureur fiscal, Maître Louis Potin notre greffier, et Jean Potin, garde des eaux et forêts de cette châtellenie, faisant pour l'absence d'Estienne Senot sergent général de cette châtellenie pour procéder aux fins ci-dessus, et ainsi qu'il appartiendra ; où étant arrivé environ à l'heure de dix heures du matin, y avons trouvé Antoine Bonneau maître boucher qui nous a représenté un petit bœuf sous poil rouge, et Louis Billieux aussi maître boucher qui de sa part nous a aussi représenté un bœuf sous poil rouge. En conséquence desquelles représentations ce requérant ledit procureur fiscal nous disons que les deux bœufs seront présentement vues et visité par le sieur André Blondeau marchand fermier de cette terre et seigneurie à Argy demeurant au château dudit Argy, commissaire expert nommé de la part dudit procureur fiscal, et auquel les dits Billieux et Bonneau ont dit n'avoir aucuns moyens de reproches ni de suspicion à proposer contre ledit Blondeau commissaire expert, nous avons d'icelui sieur Blondeau pris et reçu le serment au cas requis par lequel presté, il a juré et promis de procéder en sa loyauté et conscience à la visitée des dits bœufs, et de nous faire bon et fidèle rapport de celui qu’il jugera être le plus gras.

 

Ce fait, le sieur Blondeau en notre présence a vu, visité et touché les deux bœufs par plusieurs et diverses fois ; après quoi, étant retourné vers nous, le serment derechef de lui pris au cas requis, nous a dit et fait rapport, que le bœuf représenté par le dit Billieux est le plus gras. Sur quoi nous, juge expédiant susdit, sur ce oui ledit procureur fiscal, en décrétant et homologuant le rapport ci-dessus du dit Blondeau, Disons que le bœuf du dit Billieux est, et l'avons déclaré bœuf viellé.

 

Ce faisant, ordonnons qu'il soit conduit par les bouchers de ce bourg susnommés assistés du dit Potin faisant pour le dit Senot, sergent général, au château de cette châtellenie avec les cérémonies ordinaires et accoutumées. Et avons taxé chacune livre de bœuf que le dit Bilieux pourra rendre et débiter pendant le carême prochain six sols, et le veau sept sols la livre, lui faisant défense de vendre les dits chairs à plus haut prix que ceux-ci- dessus fixés, à peine de dix livres d’amende ; et sera tenu le dit Billieux, de satisfaire à toutes les autres charges portées au réquisitoire dudit procureur fiscal. Et a ledit Bonneau déclaré ne savoir signer.

 

 Signé:

POTIN, GAULIN, BLONDEAU, POTIN, BILLIEUX.