LES BARRAGES

En 1834, Charles Antoine François Poirée invente le «barrage à aiguilles», une innovation capitale dans la navigation fluviale du XIXème siècle; il est bientôt imité partout en Europe. Lors de l’Exposition universelle de 1855, cette invention vaut à son auteur la plus haute distinction, la Grande Médaille d’honneur.

Charles Antoine POIRE
Charles Antoine POIRE


CANAL DE BERRY ET CHER CANALISÉ

LES BARRAGES

Les barrages se composent de fermettes (cadres métalliques) placés parallèlement au courant, fixées sur un radier maçonné. Mobiles autour de leur base elles peuvent se coucher au fond de la rivière en cas de fortes eaux. Lorsqu’elles sont relevées, elles servent de support à de longues pièces de bois, les aiguilles. Ces dernières sont plaquées par le courant en amont du barrage. On règle le débit de l’eau en enlevant et en ajoutant des aiguilles. Des pièces de métalliques joignent le haut des fermettes, sont dénommées tabliers. Ces tabliers permettent aux éclusiers de parcourir le barrage et de manœuvrer les aiguilles.

 

Cette manœuvre est particulièrement délicate, car le barragiste travaille au dessus de l’eau, placé sur une étroite plate-forme, large de 80 cm.

Depuis le décès d’un barragiste en 1994, au barrage de Bléré, les équipiers sont reliés à une «ligne de vie» : un câble d’acier tendu au dessus d’eux entre les 2 rives.

 

Chaque hiver les barrages mobiles sont couchés au fond de la rivière afin d’assurer un passage continue durant les grandes eaux. Pour les relever, le barragiste utilise un treuil mobile qui facilite le relevage des fermettes.

 

Afin de faciliter le transport par voie fluviale des charbons provenant de la région de Montluçon et du minerai de fer du Berry, le gouvernement français décide, en 1809, de creuser un canal qui porte le nom de canal de Berry. La première partie, composée d’un canal artificiel joignait Fontblisse (Cher) jusqu’à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher), la seconde formée d’une rivière naturelle : le Cher reliait Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher) à Tours et la troisième partie, en voie artificielle, dit canal de jonction, (situé à l’emplacement actuel de l’autoroute A 10, de Saint-Avertin à Tours) reliait le Cher à la Loire.

 

Lors de la réalisation du canal de Berry (1809-1841), il n'a pas été nécessaire d'ouvrir une section de canal entre Noyers-sur-Cher et Saint-Avertin près de Tours en raison de la largeur et de la profondeur suffisante de la rivière du Cher qui rejoint ces deux villes. Pour le perfectionnement de la navigation sur le Cher en amont de Tours, l'ingénieur Dutens puis l'ingénieur Hippolyte d'Haranguier de Quincerot [2]  proposent en 1835 des projets qui seront refusés par le Directeur général des Ponts-et-Chaussées. En 1836, l'ingénieur Camille Bailloud [3] travaille à son tour sur ce projet. Il imagine et expérimente à Saint-Aignan un type de barrage mobile à aiguilles d'après le système de Charles Antoine Poirée [4] qu'il améliore. Son projet est accepté et il en rédige l'état définitif en 1838. Les travaux débutent en 1839.

Le Cher canalisé mesure 60 km de long et relie les villes de Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher) et Saint-Avertin (Indre-et-Loire). Il comprend 15 barrages éclusés :

  • Saint-Aignan,
  •  La Méchinière,
  • Thésée (ou Nazelles),
  • Angé,
  • Bourré,
  • Montrichard,
  • Saint-Georges, (Chissay)
  • Chisseaux,
  • Thoré, (Civray en Touraine)
  • Bléré - La Croix,
  • Vallet,
  • Nitray,
  • Roujoux, (Véretz)
  • Larçay,
  • Rochepinard. (Ce dernier barrage est réalisé en 1841

LA NÉCESSAIRE CONSERVATION DES BARRAGES

Le démantèlement d'un barrage n'est pas affaire d'écologie, mais d'atteinte de la limite de vie du barrage, même si cela permet, en partie, aux écosystèmes fluviaux de fonctionner de manière plus satisfaisante. L'investissement initial réalisé par le constructeur, toujours pour satisfaire un besoin de service public (eau potable, irrigation, électricité) avec des moyens de développement durable, n'a pas vocation à être abandonné ou détruit. On notera l'absence de financement de ces démantèlements pour l'usage piscicole (essentiellement de loisir), et l'absence de planification de moyens durables de remplacement de la production d'énergie ainsi perdue. La moitié des barrages en France n'a pas ou n'a plus d'usage connu. 

 

Un lac de barrage peut être un lieu d'accueil d'oiseaux migrateurs, un lieu de reproduction de certaines espèces aquatiques,

Un lac de barrage peut être une source de production d'énergie renouvelable. Un lac de barrage peut améliorer les conditions d'écoulement en étiage. De plus en plus, les barrages participent à un soutien d'étiage, permettant une vie estivale de rivières par ailleurs affectées par de nombreux prélèvements (autorisés ou non), d'améliorer le refroidissement des eaux, et la dilution des pollutions en aval.

Les barrages d'irrigation ou d'eau potable sont aussi construits pour apporter des bienfaits pour l'agriculture et l'alimentation en eau. Ces impacts doivent donc être pesés au même titre que les inconvénients portés au milieu aquatique ou à la pêche de loisir.

En France, depuis la même Loi Pêche de 1984, tous les obstacles sur les rivières françaises doivent obligatoirement laisser dans le cours d'eau 1/40 du module (moyenne de débit), et 1/10 pour tous les ouvrages neufs ou dont le titre est renouvelé.

 

Afin de mettre fin à cette situation inégalitaire (posant de nombreux problèmes de variation des débits sur un même cours d'eau), la nouvelle loi sur l'eau et les milieux aquatiques a fixé au 1er janvier 2014 la date limite de délivrance de 1/10 pour tous les ouvrages. Cette LEMA introduit cependant l'exception des barrages de haute chute, assurant le soutien du réseau électrique, auxquels le débit réservé pourra être limité à 1/20 (une liste devant être fixée par décret). De même, sur justification par une étude adaptée, le débit pourra être modulé sur l'année (régime réservé) 


Les 15 barrages vues d'avion


Notes :

[1] Un pertuis (du bas latin pertus, qui donne également perthus) est un passage prévu pour les bateaux, lorsque le niveau de l’eau le permet

[2] Hippolyte Charles Marie dit Pol D'HARANGUIER DE QUINCEROT

  • Né le 21 octobre 1784 - Versailles 78000
  • Décédé en 1875, à l’âge de 91 ans
  • Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
  • Directeur du canal du Berry, Conseiller à la Cour Royale de Paris

[3] Camille BAILLOUD

  • Né le 19 février 1800 - La Fère, 02800, Aisne, France.
  • Décédé le 31 janvier 1888 - Tours, 37000, Indre-et-Loire, France, à l’âge de 87 ans.

[4] Charles Antoine François POIREE.

  • Né à Soissons (Aisne) le 11 novembre 1785.
  • Décédé le 30 mars 1873.
  • C’est un ingénieur français, inventeur en 1834 d'un système de barrage dit « barrage à aiguilles » sur les cours d’eau navigables. C’est une innovation capitale dans la navigation fluviale du XIXe siècle. Le premier barrage de ce type est établi sur l'Yonne, à Basseville, près de Clamecy (Nièvre) ; il est bientôt imité partout en Europe.
  • Lors de l’Exposition universelle de 1855, cette invention vaut à son auteur la plus haute distinction, la Grande Médaille d’honneur.